Elle est tapie là dans l’ombre… Immuable dans les temps, elle repose en face de la mer. Nul la trouvera si ses pas ne l’y mènent. Le passant peut s’asseoir, à ses côtés, fermer les yeux, son visage légèrement levé vers le ciel. La brise caresse son menton, s’insuffle dans ses narines, ressort par ses oreilles, la mer et le vent, sont des amants qui jouent tout autour des choses inertes et du passant… S’il est la saison des feuilles mortes, alors, elles tournoieront dans les cieux, s’il est le temps des fleurs, les pétales les plus fragiles quitteront leur nid. Et flétriront, un peu plus loin, afin de nourrir la terre… Rien n’est inutile dans ce bas monde, jusqu’à la moindre des poussières qui finira peut-être dans votre oeil et vous fera pleurer… Pleurer la femme tapie dans l’ombre, immobile, impassible, dans sa nudité presqu’offerte à son insu devant une mer indifférente, abandonnée aux pensées les plus lascives et plus tortueux les esprits. S’il est le temps des fruits, ne tomberont que ceux prêts à être goûtés. Immuable car son passé est en elle et des mains l’ont forgé. D’autres mains l’ont posée là, elles ont dessiné son présent, son avenir. Mais le temps fait son oeuvre, avec amour, avec passion, passion qui n’est autre que son propre avenir à lui ! Nul ne s’en étonne, nul ne s’en interroge… Face à la mer, le passant souffre également de ces passions. Des mains ont dessiné son passé, l’ont meurtri, bousculé, sans lui laisser le temps de deviner son avenir. Quel avenir ?
La mort n’est qu’une fin inachevée ouvrant ses bras vers des horizons nouveaux. Les passants que nous sommes en souffrons sans qu’il ne nous semble être donnée la clé pour décrypter les sentiments étranges qui nous envahissent. Nous sommes, posés là dans l’ombre, à l’abri d’une trop forte lumière, presque aveuglante, et de flots sans fin qui brassent tout un magma de vies aussi utiles les unes aux autres, et pourtant indépendantes, du moins, en apparence… Nous pleurons les êtres chers, parfois comme une identité que nous aurions perdue. Mais nous sommes l’identité. Nous sommes notre vie, et cela nous coûte beaucoup parfois. Pourquoi ?
Je suis cette passante, assise auprès de cette statue, essaierais-je donc de m’identifier à cette femme posée là dans l’ombre, au regard de tous mais invisible à soi-même ? Cette femme dans l’ombre, au regard impassible, au sourire figé, dans une interminable attente de ce qui n’adviendra pas. Et qui n’attend rien ? Mon coeur est gros mais je me soigne avec ce qui m’est propre, l’écriture, la photographie… Ces deux langages que je transpose sur un support à langage binaire… Quelle ironie ! Les mots, du sombre sur du clair… Les photographies, des jeux d’ombres et de lumières…
Il est dit que l’on peut se tromper toute sa vie. Ce qui est le plus probable, dans l’ironie du sort, serait de répéter les mêmes erreurs, de se mettre un bandeau et de ne pas voir, de s’attacher les mains, ne pas écrire quand on vous a donné le don d’écrire, ne pas photographier quand votre esprit ne pense qu’à ça ! De se dire, c’est lui qui m’a donné ce don, et de lui en laisser les palmes ! Tout est dualité en moi, jusqu’à mon sang et mes racines, et pourquoi pas ne pas en jouer ? Je suis la plume et je suis l’oiseau, je suis le regard et je suis la photographie, je suis la pensée, et j’ai toujours joué avec les mots comme je le voulais ! Et tout est dualité, confrontations, dans la mer, dans le ciel !
Et l’amour est le lien éternel entre toutes choses.
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