Le viol, c’est le silence, c’est la honte. C’est le dégoût de soi, c’est le « je ne m’aime pas », c’est se réveiller près de 15 ans plus tard avec le souvenir de l’acte aussi vif que l’acte lui-même car on sait le pourquoi, et le pourquoi du comment, et le pourquoi du comment, on a répété « sans le vouloir » cet acte, par l’abnégation de soi, par la détestation de soi. Et tout cela à cause d’un homme qui vous aimait et qui n’a pas rempli son rôle, en l’occurrence, son rôle de père. C’est aussi la colère, la colère contre une société complice, dans ses multiples facettes, le « rôle », justement que l’on attribue aux femmes, rôle non véritable dans la vie vraie, mais ce n’est pas uniquement la société qui est en cause, c’est carrément un inconscient collectif, transmis de génération en génération (par les femmes, notamment), depuis la nuit des temps, et puis, ce qui se met en place, dans la vie, la femme, centre de tous les gestes du quotidien, de tous les instants. La femme, dans la lutte pour sa liberté qu’elle n’aura jamais puisque perdurent les meilleures des pensées, les meilleures de l’être, la beauté, indissociable de son passé comme de son devenir. Et cette beauté, ce plasticisme ne tient pas qu’à l’homme. Je le vois dans le regard que me portent certaines femmes quant à mon apparence non féminine dans ses apparats externes, externes car je n’ai rien à envier à celles qui passent des heures à avoir l’apparence de…
C’est difficile d’employer des mots vrais quand votre être est empreint de la quérance (cherchez sur google ce mot et vous comprendrez pourquoi je l’ai francisé…) de la société à ne pas dire, comme si la honte la protégeait, protéger de quoi, d’ailleurs… De ce qu’elle n’arrive pas à assumer ? Peut-elle l’assumer dans son entier ? Je ne le crois pas. Cela revient par contre à l’individu.
C’est difficile d’écrire, et surtout, ne pas tout dire, c’est aussi parfois se protéger. Alors, pour les faits, on va aller à l’essentiel. De dire que la femme est femme, elle n’est pas un homme. Comprendra qui pourra. Dire que même si on fait rentrer un homme chez soi, avec qui on a déjà « baisé », ce n’est pas forcément un « acte » acquis car une relation aussi peu sincère n’est pas une relation suivie, et surtout, que cette femme n’a pas demandé à être droguée à son insu. Téléphoner à la police après, oui, depuis une cabine, mais, vous savez, quand vous sortez d’une tentative de suicide très grave, on sort très vite de la cabine téléphonique, quand le policier, très gentil, vous dit d’attendre qu’on vienne après avoir repéré l’appel probablement. Quant aux bien-pensants qui vous diront que l’hôpital psychiatrique est la solution qui serait la plus adaptée, et leur dirai d’y aller faire un séjour, et je vais en profiter pour dire que je suis solidaire des médecins généralistes qui ont quitté Sainte Marie… Droguer une nana qui a fait une tentative de suicide par médicaments, à la faire se tenir debout, en se balançant, d’avant en arrière, tellement elle était sous la prise de leurs drogues, lui interdire d’écrire ses rêves, ou de les raconter… Je dis, là, chapeau ! Mais bon, ça c’est une autre histoire…
Il serait faux bien sûr de dire que toutes les femmes violées sont en état de fragilité. Personnellement, je l’étais. La femme est et restera un être complexe, cela tient à la biologie de son être, tout simplement. Le fait de pouvoir donner la vie, ce n’est pas qu’une question de spermatozoïdes…. Ce qui fait la différence souvent entre les hommes et les femmes, tient souvent aux pulsions sexuelles, plus « brutales » pour l’homme, plus complexes, pour la femme, car la femme a un rôle plus, comment dire, à long terme. Pourtant, ce que les hommes semblent ne pas vouloir comprendre, c’est que les femmes peuvent avoir un besoin sexuel, également, je veux dire, purement sexuel, même si on dit que la femme y mettra un côté plus sentimental, ce qui n’est pas toujours un état permanent. Dans tous les cas de figure, les pulsions, ça se contrôle, ce qui fait la différence entre l’animal et l’être humain, malgré toutes les déficiences liées à l’état d’être humain… Justement. Et quand la femme a été violée enfant, elle aura souvent tendance à « répéter » cet acte de viol, et de violence, car c’est ce qu’elle connait, c’est, quelque part, un univers qui la rassure, car, quand on a été violée par un être que vous aimiez, vous culpabilisez toujours, parce que l’amour est toujours présent, et restera toujours présent, encore et encore aujourd’hui. Parce qu’on oublie souvent que la personne même violée ressent du plaisir, ce qui n’est PAS une honte, c’est le corps, tout simplement, c’est mécanique. C’est mécanique… Notre corps est une mécanique… L’amour, donc, le vrai, est tronqué, faussé, il est devenu coupable. Contrairement à ce qu’il devrait vraiment être.
Le viol, ça peut être une prise de pouvoir sur l’autre, tout en ayant le désir d’assouvir un besoin, une pulsion que l’on ne peut ou ne veut contrôler. Ce qui n’était pas le cas de cet homme, très probablement, un homme de « milieu », et vous comprendrez pourquoi j’ai été heureuse d’apprendre qu’il avait fait de la prison (après mon viol) pour trafic de drogue…
Le pourquoi de ce billet, il fallait que cela sorte. Le pourquoi de ma solitude amoureuse, un choix délibéré car je n’ai pas rencontré l’homme qu’il me « faut », parce que je n’ai pas envie d’une relation sans respect, sans sentiments, aussi, peut-être, sans sentiment véritable, non tronqué par mon passé douloureux. Mais également pour toutes les femmes qui ont connu le viol, ou sont encore « en plein dedans », et pour leur dire de se battre, de faire fi de tous les préjugés, de tout ce qu’elle pourraient entendre mais pas forcément. Il ne faut pas voir que le négatif. Même si parfois le terme de « positiver » me casse les douilles ! 😉
La délivrance ne peut arriver sans l’acceptation de ce qui est arrivé, de sa responsabilité dans les faits qui se sont déroulés, mais également par la prise de conscience que l’on peut toujours changer certaines choses quand on y met de la volonté, et surtout, surtout, de l’amour pour soi-même……
Avant tout.
Merci à tous et toutes de vos témoignages…
Bonjour, Je lis beaucoup de choses vraies dans ce que vous dites. Beaucoup de choses aussi que certains et certaines n’osent pas dire. Braco.
J’écris ici en tant que qu’ancienne victime d’inceste par ma mère et mon frère. Je suis un homme.
Il y a néanmoins un point qui me gêne :
Vous parlez de votre implication et de votre responsabilité dans ce qui s’est passé quand vous étiez mineure.
Aux Survivants de l’Inceste Anonymes (SIA) ( http://www.sia-fr.org ) nous pensons que l’enfant ou l’adolescent n’est JAMAIS responsable de ce qui est arrivé.
Cela n’enlève rien au nécessaire et souvent difficile travail d’acceptation mais cela fait renaître en nous notre enfant intérieur blessé.
L’enfant ou l’adolescent(e) que nous étions avait désespérément besoin d’amour et de reconnaissance et s’est senti(e) prêt(e) à tout pour l’obtenir de personnes qu’il/elle pensait être des personnes de confiance.
Même si nous avons sollicité l’adulte, un adulte responsable aurait décodé notre demande comme une demande d’amour et non de sexe et aurait fait en sorte que la souffrance à l’origine de notre comportement soit reconnue et prise en charge honnêtement et humainement et non pas sexuellement.
Nous n’étions pas responsables et nous ne sommes pas seul(e)s.
Merci à tout ceux et toutes celles qui témoignent sur Internet, quels que soient les chemins qu’ils/elles ont suivit pour se rétablir.
P.
Bonjour, et bravo pour votre témoignage. Je suis, comme vous, une victime d’inceste par mon père. Votre témoignage est très courageux !
Deux phrases m’ont interpellé dans votre article : « un homme qui vous aimait »
« Il serait faux bien sûr de dire que toutes les femmes violées sont en état de fragilité.Personnellement, je l’étais. »
Il n’y a que sur ces points que je ne peux partager votre vision des choses.
Je viens tout juste de finir de lire « Notre corps ne ment jamais » d’Alice Miller, LA psychologue spécialiste de la maltraitance chez l’enfant. Ce livre est une bénédiction pour toutes les victimes que nous avons été, elle nous déculpabilise, elle fait preuve d’une extrême empathie, elle nous défend.
Ces 2 phrases que vous avez écrites, je les cautionnais il y a peu encore. J’étais persuadée que mon père m’avait aimé malgré tout, j’étais encore dans l’idéalisation de ce père maltraitant. Mais l’amour n’est EN AUCUN CAS synonyme d’atteinte à l’intégrité de l’autre, et c’est pourtant ce que nos pères nous ont fait, ils nous ont nié dans notre intégrité d’êtres humains. De tels pères ne nous ont pas aimé et ne méritent pas notre amour. Nous ne leur devons rien.
Sur la seconde phrase maintenant, PERSONNE ne peut affirmer ne pas avoir été atteint(e) dans son être après cela, à moins d’être dans le déni. Vous dites que, pour votre part, vous étiez fragile, rien de plus « normal » après de telles violences physiques et psychiques. Ce discours, entendu et répété, que « tout le monde ne sort pas perturbé de tels traumatismes » a, je pense, 2 effets pervers :
– il vient faire peser sur certaines des victimes, celles qui se sentent fragiles comme vous avez pu le sentir, la responsabilité de leur mal-être. « Si toutes les victimes ne sont pas fragiles mais que vous l’êtes, alors c’est de votre faute », voilà l’idée sous-jacente, sauf que la position de départ est fausse, TOUTES les victimes sont fragilisées, c’est inévitable, mais toutes ne le manifestent pas de la même manière. Pour certaines, cette fragilité est plus criante que pour d’autres.
– il vient conforter celles qui nient leur souffrance dans ce déni, en leur faisant croire qu’effectivement elles peuvent ne rien ressentir à ce sujet, que « parfois ça ne fait rien à la victime », discours qui peut maintenir sous silence leur vérité intérieure et leur souffrance.
Enfin, vous parlez de la culpabilité qu’on peut ressentir « quand on a été violée par un être que vous aimiez, vous culpabilisez toujours ». On était obligé(e)s, enfant, d’aimer ce parent maltraitant parce que notre survie dépendait de lui. Il ne peut en être autrement pour l’enfant, qui fait de son mieux pour survivre à l’incompréhensible, à l’inimaginable. Pourrait-on le lui reprocher? Mais aujourd’hui, adulte, cet amour pour notre parent maltraitant n’est plus une question de survie et on peut essayer d’accepter notre vécu dans toute sa souffrance, car c’est aussi nous accepter, nous accueillir, reconnaître notre douleur, la douleur de l’enfant que nous avons été, pour enfin la laisser sortir de nous. Et donc nous aimer. Alice Miller, à travers sa bibliographie, peut nous aider dans ce processus.
Bon courage pour la suite, la vie peut nous réserver de belles choses, on le mérite !
Merci pour cet article qui aide à comprendre comment cet acte infâme bouleverse toute une vie.
Imaginez donc pour l’inceste…